Roger Herman
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KERAMIK
"Hsi Men se dressa, entoura Madame Lune de ses bras puissants et l'attira sur la couche. On entendit bientôt un son ardent, semblable au cri rauque du cacatoès, qui sortait de la bouche de Madame Lune ; pendant que Hsi Men imitait avec zèle le papillon bigarré qui plonge lascivement dans les tendres profondeurs d'un calice parfumé." Jin Ping Mei, traduit du chinois, présenté et annoté par André Lévy, Gallimard 1985.
Mais qui est Roger Herman ? Cacatoès au cri rauque ou papillon bigarré ? Deuxième artiste à avoir pris ses quartiers au sein de la Résidence de la Galerie Lefebvre et Fils, l'air versaillais, le parfum des courtisanes qui y plane, ses intrigues de cour et sa touche de campagne, lui ont inspiré de nouvelles céramiques pour le moins intrigantes.
Ces oeuvres hybrides prennent la forme d'oiseaux de paradis perdus, de masques primitifs ou de scènes de bacchanales modernes. L'homme rencontre la femme, un serpent ondulant sur les flancs de la céramique assiste à la scène, les corps s'agitent et se confondent dans une chorégraphie marquée par le geste incisif de la main de l'artiste qui griffe la terre, l'incise, la tord pour faire naître ces corps.
Si certaines pièces rappellent les dessins érotiques d'Hokusai, Egon Schiele ou encore Hans Baldung qui, en 1510, mettait en scène des sorcières s'adonnant à toutes sortes de rituels, Roger Herman outrepasse la simple idée de l'acte érotique en tant que tel. Ici, il est question du corps, de sa mémoire, de la vie ou de la mort grimaçante qui le guette, du corps dans ce tout ce qu'il a d'urgent et d'immédiat comme un soufflé rauque, une étreinte, un regard... Avec une apparente simplicité de moyens cachant un sens esthétique profond et une véritable attention quant au potentiel de la composition, Roger Herman façonne la terre et fait dialoguer les mythes anciens et modernes.
Ce dialogue, Roger Herman le vit au quotidien dans le quartier populaire qu'il habite depuis 1986, ravi de voir que la gentrification ne l'a pas encore menacé. Son atelier regorge d'objets, d'oeuvres d'art, mais aussi de livres qu'il entasse au deuxième étage. De ce désordre intellectuel à la fois chaotique et improvisé ressort un univers à mi-chemin entre néo-expressionnisme et étude approfondie de l'image, de la composition, de la signification même de la forme et de ce qu'elle peut représenter.