LUCILLE UHLRICH
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ÜRÀLT
15 janvier - 11 février 2021
La Galerie Lefebvre & Fils est heureuse d'annoncer la première exposition personnelle de Lucille UHLRICH à la galerie, en collaboration avec Anissa TOUATI, avec le travail réalisé à The Residency à Versailles pendant l’hiver 2020.
Ces derniers mois, Lucille Uhlrich s'est installée à la lisière de la forêt de Saverne qui s’étend sur le versant alsacien des Vosges et des champs, à la frontière entre la France et l’Allemagne. Cette forêt regorge de vestiges archéologiques des périodes néolithique, gallo-romaine et du haut Moyen Age, et de rochers portant les légendes des cosmologies germaniques. Lucille Uhlrich trouve dans cette forêt une matrice régénératrice, un réveil archaïque, des sentiments familiers pour une nature à la fois support du vivant et prédatrice.
L’artiste expérimente un retour aux origines géographiques et familiales, pourtant source de son mutisme dans l’enfance: l’impossibilité alors de parler sa langue maternelle. Une langue en voie de disparition, une "bibliothèque qui brûle" où chaque mot va bientôt s’éteindre. Enfant, elle a préféré le silence. Un "mutisme sélectif" qui a galvanisé sa pratique artistique, un langage où le sens ne s’installe pas, comme un rébus évolutif où l’écriture et le regard se ressemblent.
L’exposition Üràlt, de l’alsacien "depuis la nuit des temps", contient étymologiquement le point de départ et l’âge, un sens qui ne dépend pas du temps : il est, tout simplement. Les œuvres de l’exposition mettent en place un langage où les formes ne se fixent pas. Elles sont dans un état d’indétermination entre un signifiant et plusieurs signifiés. Uhlrich associe des objets réels ou fantasmés produits, glânés, issus de son quotidien et de ses expériences. Tout se passe entre les lignes créant un passage de l’un à l’autre, un équilibre fragile. Lucille Uhlrich met en place une circulation des éléments et des formes : « J’aime les œuvres d’art poétiques, où quelque chose du langage est brisé, où la dénotation n'est pas verrouillée ».
Des baguettes de batterie, récupérées lors de son premier concert de rock et jetées par le musicien dans la foule, des larmes bleues en plâtre qui tombent et reposent sur le bout du nez d’une sculpture zoomorphe. Des larmes amovibles, comme des ornements, pour redéfinir notre relation à nos émotions : les porter et douter de leurs valeurs. Des formes marines indéterminées entre coquille, oreille ou bénitier interpellant nos jeux enfouis d’enfance où la corde et la perle ont perdu leur usage, mais nous rappellent une odeur familière, un souvenir, sans savoir vraiment lequel.
Toujours à la frontière entre deux endroits, entre deux mots, l’artiste trouve un équilibre dans une étrange fragilité. Et à nouveau, Lucille Uhlrich met en relation un simple contenant à petit bois, une tige de bambou, une goutte de cire d’abeille. Cette goutte est stylisée d’une infidélité à l’échelle et évoque nos jeux d’enfants, où les éléments et les formes sont accentués par leur nouveauté : « Une pièce me laisse tranquille quand j'y trouve un étonnement qui dure ».
Puisqu’il est processus, le passage guide l’œuvre de Lucille Uhlrich invoquant le mouvement de la métamorphose, la possibilité un jour de devenir un autre. La pièce, Vase ex-voto évoque cette notion de transformation autour de matériaux dérisoires, objets fétiches de son enfance (un porte clef de PMU, une fausse pelure d’orange, une meule…) et d’un vase corne d’abondance troué en son centre. L’artiste met en tension liquidité et aridité, dans un mouvement semblable à l'activité ancestrale de guetter les pluies et les lunes. L’eau y est symbole d’un état transitoire entre des possibles encore informels et des réalités évidentes.
Une ligne bleue traverse les œuvres et l’exposition incarnant la fluidité d’une écriture. Qu’elle vienne des profondeurs, de la terre ou du ciel, cette ligne est empreinte d’un principe primitif, l’idée de transformation et de devenir.
« Le passage est en nous, on le porte à l’intérieur de soi…Personne ne peut y échapper, il est là dès le début. Il ne vous lâche que quand vous partez, c’est comme la vie et la mort. »
extrait du film Passage de Juraj
Anissa Touati, janvier 2021