Le Musée Imaginaire
Curated by Patrick Letovsky 

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Empruntant à l'essai d'André Malraux son titre emblématique, cette exposition entend témoigner des mutations récentes de la céramique contemporaine.
Celle-ci suppose un processus de création complexe et subtil qui la rend d'autant plus attrayante pour les artistes exposés. Arlene Schechet porte une attention particulière à l'étape du modelage de l'argile. L'opération est difficile et incertaine puisque le matériau est soumis à la gravité : l'élaboration de chaque sculpture est ainsi une oscillation perpétuelle entre création et destruction. 

Faisant parfois apparaître des fissures, les temps du séchage et de la cuisson impliquent également des incertitudes de résultat. Les dimensions de l'accidentel et du hasard déterminent certainement la fascination que les artistes - Jean-Marie Appriou notamment - éprouvent à l'égard du processus de transformation de la matière. La séduction opère aussi au travers des caractéristiques plastiques de la céramique - matériau tactile et charnel - qui en font un excellent moyen d'expression expérimental. Le malaxage de la pâte est une activité permettant la déambulation de l'esprit dans le cas de Jennie Jieun Lee, ou encourageant la libération du geste chez Lynda Benglis. 

Polly Apfelbaum travaille la céramique à la manière du peintre, privilégiant l'étape du vernissage et la création des couleurs ; d'autres encore, Thomas Schütte et Elizabeth Jaeger, la façonnent comme le sculpteur. Entre penture et sculpture - comme chez Andrew Lord, Calvin Marcus ou dans les Blind Paintings de Claudia & Julia Müller -, la céramique est en soi une source de réflexion favorisant des recherches esthétiques et plastiques approfondies. Elle peut être simultanément surface et volume, ou faire dialoguer l'intérieur et l'extérieur selon une dialectique presque architecturale, en particulier dans les travaux d'Ulrika Strömbäck. 

Opérant habituellement une distinction entre l'art conceptuel et l'art plastique, l'art contemporain reconnaît aujourd'hui les oeuvres en céramique comme des sculptures. L'exposition souligne en effet la stérilité de cette opposition. Cohabitent ainsi des pièces influencées par un modelage ancestral et traditionnel - dans la lignée des céramiques de Pablo Picasso -, et d'autres, notamment celles de Michaela Meise, développant une reflexion sur la nature même de l'oeuvre d'art - à la manière de Lucio Fontana avec ses déclinaisons du Concetto spaziale en volume et en terre cuite. 

Les structures élémentaires et conceptuelles de Katinka Bock, axées sur les notions du temps et de l'espace, amènent le spectateur à les penser comme sujets de contemplation esthétique et philosophique. Carissa Rodriguez insuffle quant à elle dans ses sculptures une portée critique et engagée. L'action de fabriquer des pots de céramique hérissés de lames de rasoir les déclare, de fait, oeuvres d'art, puisque toute fonction d'usage en a été évacuée. Cette série, La Collectionneuse, est également une réflexion sur le film du même nom, réalisé par Éric Rohmer en 1967. 

Dans ce Musée Imaginaire dialoguent des artistes aux pratiques plurielles. Démontrant l'étendue des possibilités formelles et conceptuelles de la céramique dans le champ contemporain, il encourage à considérer ce médium non plus seulement comme une pratique artisanale et domestique, mais comme un art à part entière.